Semaine dénutrition 2024

« Ce qui est important, c’est le poids dans l’absolu, mais surtout l’évolution du poids dans la durée »

BPCO.Pr Nicolas Roche.2La BPCO, bronchopneumopathie chronique obstructive, est une maladie inflammatoire chronique qui touche les bronches. En France, ce sont environ 3,5 millions de personnes qui en souffrent. Sa physiopathologie est la porte ouverte à de nombreuses comorbidités, dont la dénutrition. Le Pr Nicolas Roche, chef du service de pneumologie de l’hôpital Cochin, nous parle de cette pathologie et de la prise en charge nutritionnelle associée.

 

Quelles sont les comorbidités liées à la BPCO ?

Il y en a beaucoup ! Il y a les maladies cardiovasculaires, l’ostéoporose, l’anxiété-dépression, l’anémie, le cancer pulmonaire, le dysfonctionnement musculaire périphérique squelettique, l’altération de l’état nutritionnel qui peut aller jusqu’à une dénutrition. La communauté scientifique émet également l’hypothèse d’une certaine forme de vieillissement accéléré du poumon lui-même dans la BPCO. Mais, en réalité, beaucoup de comorbidités, voire toutes celles que j’ai citées, s’intègrent dans une composante de vieillissement, dont la dénutrition. Chez de nombreux malades, il y a également un état inflammatoire non seulement local, mais aussi général.

 

Pourquoi les patients atteints de BPCO sont-ils sujets à la dénutrition ?

Il y a plusieurs raisons à cela. La première concerne les BPCO sévères : l’augmentation de la dépense énergétique des patients au repos et à l’exercice, liée à l’effort supplémentaire qu’ils ont besoin de faire pour respirer, peut être un état à risque de dénutrition.

De plus, la dépense énergétique augmente encore plus en cas d’infection respiratoire (complication fréquente de la BCPO) ou de toute aggravation aiguë de l’état respiratoire. La deuxième raison, c’est la diminution des apports. Là aussi, cela concerne surtout les cas sévères dans lesquels il y a une anorexie multifactorielle. L’anorexie peut-être liée à l’état inflammatoire de ces patients. De surcroît, la difficulté à respirer peut se majorer durant l’alimentation et ainsi altérer l’appétit.

Enfin, la diminution de l’activité physique diminue aussi l’appétit.

 

Quelles conséquences cette dénutrition peut avoir sur le patient et sa pathologie ?

La principale conséquence est une diminution de la masse musculaire puisque c’est une dénutrition globale, mais notamment protéique. Cette diminution entraîne un dysfonctionnement musculaire qui va venir accentuer davantage leurs difficultés à maintenir une activité physique régulière. En effet, les patients ont, au départ, la limitation respiratoire par la dyspnée liée à la maladie respiratoire, qui va limiter l’activité, puis s’y ajoute la dyspnée liée à l’altération quantitative et qualitative du fonctionnement musculaire, en lien avec la diminution de la masse musculaire et la dégradation de ses capacités métaboliques, enzymatiques. C’est finalement une altération accentuée de la qualité de vie, un handicap majoré par le dysfonctionnement musculaire.

 

Comment fait-on pour diagnostiquer cette dénutrition chez les patients BPCO ? Quels sont les critères de diagnostic ?

Les critères sont les mêmes que pour n’importe quel type de patients. Nous nous appuyons sur la pesée, l’évolution du poids et, autant que possible, nous allons plus loin en faisant des mesures de masse maigre. La mesure de masse maigre, c’est quelque chose que l’on pratique en recherche, beaucoup moins en pratique clinique courante, sauf dans certains centres de réadaptation disposant de matériel dédié. Pour ce faire, nous disposons de l’impédancemétrie, au minimum avec des balances spécifiques, ou de techniques d’absorptiométrie, une technique radiologique qui permet de “regarder” la masse musculaire. Il est également possible d’évaluer la dénutrition grâce à des dosages biologiques, essentiellement des dosages d’albumine, ou de pré-albumine.
Ce qui est le plus important, c’est le poids dans l’absolu, mais surtout l’évolution du poids dans la durée ; sachant qu’il faut se méfier : il peut y avoir des malades, que ce soit des patients BPCO ou pas, qui ont un poids normal, voire à poids élevé, et qui sont en réalité dénutris. Ils ont un poids essentiellement représenté par de la masse grasse, alors qu’ils ont perdu beaucoup de masse maigre. D’où l’intérêt de pouvoir mesurer la masse maigre.

 

Quelles sont les recommandations de prise en charge de la nutrition chez les patients BPCO ?

La prise en charge nutritionnelle est recommandée dans la BPCO. L’objectif est d’essayer de maintenir le patient le plus proche possible de son poids idéal théorique, avec une répartition favorable des différentes composantes de l’état nutritionnel, c’est-à-dire une masse maigre préservée. Cela est valable pour tout le monde, mais c’est encore plus important chez les malades qui arrivent à un stade de dénutrition ou de pré-dénutrition.

Je mettrais l’accent sur les malades auxquels nous allons proposer une réhabilitation respiratoire, qui est une prise en charge globale et comprend un ré-entraînement à l’effort. Nous savons que cette prise en charge va être très bénéfique sur le plan de la capacité physique, et donc de l’essoufflement et de la qualité de vie, etc., mais nous savons aussi qu’à partir du moment où on les réentraîne, forcément, nous augmentons la consommation d’énergie. Il va donc falloir compenser cette augmentation au risque de leur faire perdre du muscle, paradoxalement. Ainsi, il est nécessaire de bien s’assurer que nous compensons l’augmentation de dépenses par un régime approprié suffisamment calorique et protidique, avec des suppléments énergétiques et protéiques si nécessaire. Cette prise en charge doit être faite dès le début pour maintenir le poids idéal et la masse maigre. Elle va être de plus en plus importante au fur et à mesure que nous avançons dans la sévérité de la maladie.

 

Quelle est la place des CNO dans la prise en charge ?

Les suppléments sont indiqués quand il y a une dénutrition. Un régime alimentaire approprié avant tout est la clé de la prévention, mais aussi du traitement de la dénutrition. Après, nous pouvons rajouter des suppléments si nous n’arrivons pas à atteindre le total d’apport calorique et protéique qui est nécessaire.