« Les patients âgés adhèrent très volontiers aux CNO »

Interview du Dr Bastien Genet, interne thésé en gériatrie, Service UPOG de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière

« En gériatrie, le cas le plus fréquent que nous rencontrons pour une prescription de CNO est la dénutrition. Généralement, en cas de dénutrition simple nous prescrivons d’emblée des CNO ainsi qu’un enrichissement alimentaire. En revanche, en cas de dénutrition sévère, en plus des CNO prescrits en urgence, nous avons une réflexion supplémentaire quant à la renutrition.
Nous pouvons les prescrire également en contexte post-opératoire, et de plus en plus en pré-opératoire pour réduire les risques de complications et optimiser au mieux l’état nutritionnel du patient avant intervention. Évidemment, les CNO sont utilisés en oncologie chez les personnes à risque de dénutrition.»

QDans quels cas prescrivez-vous une complémentation nutritionnelle orale (CNO) ? 

REn gériatrie, le cas le plus fréquent que nous rencontrons est la dénutrition (simple ou sévère). Généralement, en cas de dénutrition simple (albumine < 35 g/L et/ou IMC < 21 kg/m2 et/ou perte de poids de plus de 5 % en 1 mois ou 10 % en 6 mois) nous prescrivons d’emblée des CNO ainsi qu’un enrichissement alimentaire. En revanche, en cas de dénutrition sévère (albumine < 30 g/L et/ou IMC < 18 kg/m2 et/ou perte de poids de plus de 10 % en 1 mois ou 15 % en 6 mois), en plus des CNO prescrits en urgence, nous avons une réflexion supplémentaire quant à la renutrition : indication d’une sonde naso-gastrique ou alimentation parentérale (quoique la deuxième option soit extrêmement rare en gériatrie).
Nous pouvons les prescrire également en contexte post-opératoire, et de plus en plus en pré-opératoire pour réduire les risques de complications et optimiser au mieux l’état nutritionnel du patient avant intervention.
Évidemment, les CNO sont utilisés en oncologie chez les personnes à risque de dénutrition.

QEn population gériatrique, quels sont vos patients à risque de dénutrition ?

RLes patients à risque sont ceux traversant un épisode de stress aigu (infections par exemple) ou ayant une pathologie chronique (oncologie par exemple). On retrouve également les personnes âgées peu autonomes qui n’ont pas d’aide à domicile et ne s’alimentent plus.
À mon sens, la prescription des CNO devrait de plus en plus se faire avant la dénutrition chez les patients à risque, et particulièrement dans les contextes opératoires et oncologiques.

QÀ l’hôpital, quelle est la part de prescription de CNO en thérapie nutritionnelle ?

RJe pense que nous sommes à près de 100 % des prescriptions. Généralement, nous prescrivons d’emblée des CNO et nous discutons ensuite la nécessité de rajouter d’autres mesures (sondes nasogastriques, nutrition parentérale). À côté de cela, nous recommandons concomitamment un enrichissement de l’alimentation : ajout de crème, de beurre, etc. dans les plats. Dans certains cas, si les patients sont bien entourés, ces mesures peuvent être éventuellement prises avant la prescription des CNO.
En effet, il existe le risque que les patients à qui l’on prescrit d’emblée des CNO s’en nourrissent exclusivement. Ils ne sont alors certes plus carencés en protéines, mais se créent de nouvelles carences (notamment vitaminiques – B9, B12, C et D). C’est souvent difficile de faire de l’éducation thérapeutique, notamment en soins aigus.

QComment se passe le suivi des patients après la sortie de l’hôpital ?

RLes patients en SSR sont suivis durant leur séjour avec une mesure de l’albumine et du poids. Il y a également une consultation diététique. Une fois rentrés, le suivi se fait à l’occasion de la consultation gériatrique et, au mieux, en lien avec le médecin généraliste. La prise en charge diététique de ces patients en HAD est assez peu développée encore.

QLes patients font-ils de bons retours sur les CNO ?

RLe plus important est de discuter avec eux de ce qu’ils préfèrent et de leur faire tester les différents formats (textures et saveurs). Ceci est particulièrement vrai en cas de troubles de la déglutition, fréquents dans cette population. Généralement, je remarque que les patients âgés adhèrent très volontiers à ce genre de traitement.
Il est aussi possible qu’il faille changer de temps en temps pour s’adapter à leurs envies et/ou besoins afin de conserver une bonne observance.