« Non, il n’est pas normal de maigrir en vieillissant ! »

La perte de poids chez la personne âgée est un signe de dénutrition qui peut avoir de graves conséquences sur la santé. Le point sur les signes qui doivent alerter proches et aidants, et les solutions possibles avec le Pr Éric Fontaine, médecin nutritionniste au CHU de Grenoble et Président du Collectif de lutte contre la dénutrition

Quels sont les signes de la dénutrition ?

Pr Éric Fontaine : Les personnes dénutries le sont parfois à leur insu ! De nombreuses personnes, notamment âgées, ne se pèsent pas et donc n’ont pas forcément conscience d’être dans un processus de dénutrition. Il faut apprendre aux proches et aidants comment repérer une dénutrition par quelques signes simples. D’abord, physiquement, les vêtements paraissent plus larges qu’avant, la personne met une ceinture ou des bretelles alors qu’elle n’en avait pas besoin jusqu’à présent, les bijoux, notamment les bagues, sont moins serrés, etc. Ce sont des signes révélateurs d’un processus d’amaigrissement.

Chez des personnes qu’on voit moins souvent, on peut aussi repérer un visage plus fin, qui se creuse.

Autre indice, une personne qui mange moins qu’avant, qui a moins d’appétit, qui ne termine pas son assiette ou se sert des petites portions par exemple. Ouvrir le frigo peut aussi donner des indications : soit il est normalement rempli et tout semble ok, soit il est vide ou plein de produits périmés, signes que la personne ne mange pas ou pas assez.

Un autre signe : le dentier qui ne tient plus bien, car les gencives aussi maigrissent en cas de dénutrition. C’est un ensemble de petits signes qui doit alerter et faire penser à vérifier, via une pesée, que le poids n’est pas en baisse.

Pr Éric Fontaine : Les personnes dénutries ont très souvent un petit appétit, il est donc peu utile de leur dire de manger plus… En revanche, il faut les inviter à manger plus riche. Trois conseils pour cela :

1. Favoriser les aliments caloriques : charcuterie, beurre, crème, œuf, fromage… Il n’y a pas de risque nutritionnel ici, puisque les personnes en mangent p

eu.

2. Consommer les aliments riches en début de repas, commencer par la charcuterie ou le fromage, et garder la salade (peu calorique) pour la fin du repas.

3. Prendre des repas supplémentaires avec des collations ou si nécessaire des compléments nutritionnels oraux (disponibles, le cas échéant, sur ordonnance). En revanche, il faut les prendre à distance des repas pour ne pas être rassasié quand vient l’heure « normale » du repas. Je les conseille plutôt après le dîner, devant la télé ou avant d’aller se coucher.

À rappeler aux patients :

  • La dénutrition touche 2 millions de personnes en France, dont 400 000 personnes âgées à domicile*.
  • Non prise en charge, elle peut avoir des conséquences graves sur l’immunité, sur la force physique, sur le moral, mais aussi aggraver des maladies chroniques et la dépendance.

On parle de dénutrition :   

  • Chez tout adulte qui perd plus de 5 % de son poids en 1 mois, ou 10 % en 6 mois ;
  • En cas d’indice de masse corporelle inférieur à 18,5 chez l’adulte ou 22 chez les personnes de plus de 70 ans.

 

> Il est important, en tant que professionnels de santé, de donner les bons conseils aux aidants ou aux personnes à risque de dénutrition. Par exemple, leur rappeler qu’en cas de perte de poids inexpliquée, il est indispensable de consulter son médecin traitant pour en trouver la cause.