Laure Soulez Larivière est orthophoniste, diététicienne et formatrice. Elle insiste sur l’importance de traiter les troubles de la déglutition.
Quelles sont les pathologies qui génèrent des troubles de la déglutition ?
Les pathologies à l’origine d’un trouble de la déglutition (dysphagie) sont très variées : cela peut venir de difficultés mécaniques comme psychiques, être la conséquence d’une modification structurelle d’un organe ou secondaire à l’administration d’un traitement. Cela concerne aussi bien l’enfant (souvent en lien avec des troubles de l’oralité) que l’adulte et la personne âgée.
Le trouble peut s’expliquer directement par la présence d’une anomalie anatomique, organique ou consécutive à une maladie : cancers de la sphère ORL, pathologies œsophagiennes, malformations congénitales ou lésions (brûlures par ingestion de caustiques, intubation).
Le trouble peut également être d’origine neurologique et découler de séquelles motrices ou cérébrales (après un traumatisme crânien, un AVC, une tumeur, une opération ou un accident), de maladies neuro-évolutives (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique) ou de démences (maladie d’Alzheimer). Myasthénie, manque de salive ou même diabète peuvent aussi causer une dysphagie.
Chez les enfants, les troubles de la déglutition peuvent être intriqués dans la sphère psychique mais cette composante peut se retrouver à tous les âges. Je pense à la phagophobie, une appréhension si forte de déglutir que la peur paralyse les patients qui ne peuvent plus rien avaler, persuadés d’avoir une « boule dans la gorge ».
Quelles sont les conséquences des troubles de la déglutition ?
Il y en a trois grands types : conséquences nutritionnelles (carences et dénutrition), conséquences respiratoires (infections pulmonaires dues à des fausses routes) et conséquences psychosociales (exclusion sociale, détresse émotionnelle).
La nourriture est un élément central de la vie sociale et du plaisir personnel, un trouble de la déglutition peut donc être un réel fardeau pour les patients. En plus de cela, il s’ajoute généralement à des pathologies affectant déjà la qualité de vie.
La dénutrition est la conséquence quasi systématique d’un trouble de la déglutition, elle est très pernicieuse, car elle aggrave le trouble. En effet, la déglutition se fait grâce à la mobilisation de muscles qui, chez une personne dénutrie, perdent de leur masse – c’est la dysphagie sarcopénique (Fujio-Kurachi M et al. Sarcopenia and dysphagia: Position paper by four professional organizations. Geriatr Gerontol Int 2019 ; 19 : 91-7).
Pour beaucoup de patients, le trouble est associé à une pathologie chronique ou qui s’aggrave, la dénutrition sera ainsi toujours un problème et l’accompagnement diététique sera central.
Comment prendre en charge la dénutrition ?
De nombreux patients se retrouvent à devoir consommer de la nourriture mixée, voire liquéfiée. C’est un régime d’astreinte qui est dur à vivre et sujet à une mauvaise observance. De plus, les apports et les quantités ne sont pas toujours suffisants et les patients sont souvent en déficit protéino-calorique, mais aussi carencés en vitamines et minéraux.
Il est ainsi important d’enrichir l’alimentation en lipides et en protéines (huile, crème, beurre, mascarpone, lait en poudre, fromages mous, jambon ou poisson mixés, œufs) et de rendre les plats attrayants et avec plus de goûts. Pour l’apport en glucides, on peut ajouter des flocons de pomme de terre pour les plats salés et du côté des desserts, du coulis de fruits, du chocolat fondu ou du caramel liquide.
Il y a aussi la possibilité de consommer des compléments nutritionnels oraux (CNO), seuls ou cuisinés et de les intégrer à des plats. Par exemple, un CNO en crème dessert vanille dans son pot ne donnera pas forcément envie et on peut, à la place, le disposer dans une verrine composée de couches de plusieurs CNO différents, ou bien mélanger une boisson lactée neutre à une soupe de légumes.
Enfin, il faudra faire attention aux textures, il en existe beaucoup, mais il se peut que certaines crèmes ou boissons soient trop épaisses et donc difficiles à avaler. Il ne faut donc pas hésiter à tester.
Le suivi diététique sera indispensable pour conjuguer maladie et alimentation, et s’adaptera aux limites et mode du vie des patients.
Dans quels cas de figure faire de la prévention pour éviter la dénutrition ?
Dès qu’il y a un trouble de la déglutition, il faut surveiller les prises alimentaires et le poids du patient à relever 2 fois par mois minimum. Certains n’en perdront pas forcément, mais dès qu’il y a perte de poids, il faut engager une prise en charge de la dénutrition.
Vers qui se tourner pour prendre en charge les troubles de la déglutition ?
Il y aura bien sûr à traiter la ou les pathologie(s) qui gravite(nt) autour du trouble : médecin généraliste, gériatre, pédiatre, gastro-entérologue, oncologue, diététicien et nutritionniste…
De manière plus générale, les kinésithérapeutes et les orthophonistes peuvent évaluer et prendre en charge les troubles de la déglutition, mais cette compétence n’est pas suffisamment connue. Cela a été un peu mis en lumière pendant l’épidémie de Covid-19, car les orthophonistes ont été mobilisés en nombre pour prendre en charge les patients dysphagiques sortant de réanimation.
Au-delà de cela, et malheureusement, je pense que les troubles de la déglutition sont banalisés et insuffisamment pris en compte. C’est un trouble aux différentes facettes, multifactoriel qui nécessite un accompagnement pluridisciplinaire par des équipes bien formées.
Informations et contact : https://www.laure-soulezlariviere.fr/